Kevin Hennequin et Vincent Broussard dirigent la société ASTC à Jouy le Moutier, entreprise créée par leurs pères en 1999, dont ils reprennent les rennes en 2017. La société, spécialisée en chaudronnerie et installation de groupes électrogènes, compte aujourd’hui 27 salariés et connait un développement continu avec un chiffre d’affaire de 3,4 millions d’euros en 2019 (contre 2,4 millions en 2017). Comme toutes les entreprises, ils ont dû faire face aux mesures de confinement annoncées par le gouvernement en mars : entre stupeur, angoisse, résignation, ces deux dirigeants prévoyants et résolument optimistes, racontent les différentes étapes par lesquelles ils sont passés jusqu’à la reprise progressive de l’activité. Leur botte secrète : une gestion au cordeau pour parer à toute éventualité, des partenaires de confiance à leurs côtés et une rigueur administrative sans faille afin de cadrer l’ensemble des risques professionnels.
Comment avez-vous vécu l’annonce du confinement ?
Nous ne l’avons pas vraiment « vu venir ». J’étais en clientèle à Lyon pour un partenariat avec un fournisseur. Le 16 mars, nous avons tout rangé dans l’atelier, mis les choses à plat et quitté les locaux pour fermer l’entreprise, tout en projetant de préparer sans attendre la reprise. Au départ, nous avons eu peur car nous avons de gros enjeux financiers, avec plus d’un million d’encours en banque du fait des nombreux investissements réalisés. Les questions affluent : comment va-t-on pouvoir tout assumer si le chiffre d’affaires plonge ? Par où commencer ? Nous nous sommes sentis perdus et dépassés. Heureusement, notre expert-comptable (DMP à Conflans), qui a été notre interlocuteur privilégié durant toute cette période, nous a beaucoup aidés. Avec mon associé et notre assistante, nous sommes revenus au bureau plusieurs jours par semaine pendant le confinement pour gérer l’aspect administratif. Le reste du temps, j’ai réussi à faire la part des choses et profité pleinement de ma fille de 2 ans, que je vois peu en temps normal. Nous avons pu partager des moments privilégiés.
Quelles ont été les premières mesures prises en interne ?
Nous avons immédiatement regardé quels étaient les leviers que nous pouvions activer. Nous avons passé la première semaine au téléphone pour joindre les banques, les assurances, en lien avec notre comptable afin de procéder à des pauses d’échéances bancaires, de mensualités d’assurance et à des reports de cotisations URSSAF (pendant trois mois). Puis, nous avons mis en place des mesures de chômage partiel pour nos salariés.
Comment évaluez-vous le préjudice causé par le confinement ?
Nous avons enregistré une perte de chiffre d’affaires que nous ne pourrons pas rattraper. Je fais un reporting mensuel très précis de la facturation par secteur ainsi que des dépenses, ce qui me permet d’apprécier les résultats nets de l’entreprise. En mars, l’entreprise n’a pas perdu d’argent, mais nous avons accusé un résultat négatif en avril. Néanmoins, nous nous étions préparés depuis longtemps à une possible crise et en avons déjà traversé plusieurs. Nous savons qu’il faut anticiper et être prêts à faire face à ces périodes plus difficiles. C’est pourquoi, chaque année, les bénéfices sont mis de côté : nous avons fait le choix de ne pas distribuer de dividendes pour assurer la pérennité de la société en cas de coup dur.
De quelle façon avez-vous vécu cette période ?
Il a fallu faire toutes les démarches, ce qui n’a pas été sans mal : les sites étaient saturés, les formats de fichiers incompatibles, les interlocuteurs injoignables… La complexité administrative nous a donné quelques cheveux blancs, mais heureusement, notre comptable a tout géré. Sans lui, cela aurait été bien plus compliqué. Dès le 20 avril, nous avons redémarré doucement la production en atelier. Nous n’avions pas de commandes, mais avons recommencé à fabriquer des pièces standard pour recréer du stock afin de prendre un peu d’avance, être prêts et plus disponibles au redémarrage. Grâce à notre avance de trésorerie, nous n’avons pas eu de difficultés pour nous avancer l’achat des matières premières. Nous avons dès lors communiquer auprès de nos clients sur notre réouverture partielle. Nous étions l’un des rares ateliers ouverts sur le secteur. De premières commandes sont arrivées dès la fin du mois d’avril. Deux de nos compagnons sont revenus sur la base du volontariat pour intervenir sur les chantiers, tandis que notre dessinateur a repris en télétravail et nous avons pu commencer à refacturer progressivement.
Comment s’est orchestrée la reprise pour les équipes ?
Le 11 mai, six de nos collaborateurs étaient de retour sur les chantiers. La plupart étaient confiants, sans appréhension particulière. Pour chaque chantier, nous avons dû élaborer un nouveau document de sécurité (PPSPS) afin de formaliser et d’appliquer les mesures de prévention liées au COVID. Il a fallu reprendre une cinquantaine de documents administratifs, un travail fastidieux de plusieurs jours. Sur les chantiers les règles fixées sont sans appel : le port du masque est obligatoire, avec un risque d’exclusion d’une journée pour non-respect des consignes et une exclusion définitive en cas de récidive du collaborateur. Nous leur avons fourni tout le nécessaire et bien insisté sur le respect de ces prérogatives (désinfection des outils, des véhicules…). Nous faisons régulièrement des points COVID pour leur rappeler les directives à suivre car l’organisation sur les chantiers reste une grosse difficulté. La crise n’a pas eu d’impact négatif sur le dialogue social. Au contraire, les collaborateurs avaient envie de revenir, de s’investir, ce qui reflète le climat général de l’entreprise. Nous consultons régulièrement nos équipes pour être dans l’échange permanent avec eux, ne pas prendre des décisions unilatérales et faire remonter les infos. S’ils souhaitent me parler, la porte est toujours ouverte.
Le confinement vous a-t-il permis d’avancer sur d’autres sujets ?
Nous avons pris le temps de répondre à des demandes de chiffrage qui étaient en attente. Mon associé Vincent a planché sur le développement de bornes de distribution de gel hydroalcoolique à pédale (baptisée station GHA et dont nous avons déposé le nom). Il a travaillé à la conception de plusieurs modèles et prototypes qu’il a conçus de A à Z, que nous commercialisons aujourd’hui. Cela répond à un besoin des entreprises et a permis d’élargir le champ de notre clientèle. Nous sommes associés dans ce projet à la SOCIETE SA Chimie, distributeur de gel hydroalcoolique, qui nous a beaucoup aidé à développer le produit et à le distribuer.Des travaux prévus de longue date ont également pu être réalisés durant le confinement avec l’installation d’une cuve d’azote liquide à l’extérieur des ateliers pour gagner en confort de travail.
Nous sommes fin juin, comment la reprise s’orchestre-t-elle depuis la sortie du confinement ?
L’ensemble des collaborateurs est présent depuis le 11 mai. Nous avons réalisé un chiffre d’affaires et des résultats très importants sur ce mois de mai, supérieur aux mois de mai des années précédentes ! ASTC a enregistré une prise de commande très importante, ce qui nous permet d’avoir un planning de réalisation pratiquement plein jusqu’à fin d’année 2020. Cela n’était jamais arrivé ! Concernant l’avenir, et après discussions avec nos principaux clients, nous n’avons pas d’inquiétudes : leurs carnets de commandes sont pleins jusqu’en 2024 – 2025 ! A notre niveau, nous allons nous concentrer à prendre les dossiers les plus avantageux et nous atteler à créer des partenariats solides avec nos principaux clients.
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