Le MEVO a convié lundi 23 mai un invité prestigieux, Bernard Kouchner, venu évoquer son incroyable parcours et parler de  « Commerce et Diplomatie ». A 76 ans, le french doctor ne s’est pas assagi. Il n’a rien perdu de son mordant et de son franc-parler, son engagement et ses convictions restent intactes. L’instigateur du droit d’ingérence a commenté l’actualité et regretté que « l’indignation, la générosité et l’accueil aient reculé dans notre pays. La solidarité s’enfuit », a-t-il souligné, faisant référence à l’accueil frileux des réfugiés en France, avant de relater les moments forts de sa carrière.  

« La France a été très lente à se rendre compte que le monde tournait. Nous bougeons moins vite qu’ailleurs. L’universalité de la pensée, référence à la révolution, domine toujours, conditionne encore une certaine admiration sur laquelle nous nous reposons. Pour autant, nous ne sommes pas le nombril du monde ! », a rappelé l’ancien ministre. Ce monde si vaste, Bernard Kouchner le connaît bien, pour l’avoir sillonné et en avoir découvert les contrées les plus reculées et les plus pauvres. Médecin gastro-entérologue de formation, il adhère et milite dans les années 1960 à l’Union des étudiants communistes. Malgré les difficultés à franchir les frontières et portant dans ses trippes l’idée qu’un médecin doit se mettre à la disposition de tous les malades, il mène de nombreuses missions humanitaires, notamment au Biafra ou en Jordanie, médiatisant ses voyages dans ces contrées ravagées.

Bernard Kouchner participe en 1971 à la fondation de l’ONG Médecins sans frontières, avant de créer, Médecins du monde en 1980. « Au Biafra, nous avons découvert sur le terrain ce qu’étaient les enfants malnutris, avec leurs gros ventres, on ne nous avait jamais appris cela dans les meilleures facultés de médecine françaises ! Grâce aux perfusions, nous avons réussi, petit à petit, à les traiter, de mieux en mieux d’ailleurs. Ils rentraient chez eux remis sur pied, mais, à cause du blocus alimentaire, utilisé comme arme de guerre, ces enfants retombaient vite malades, revenaient nous voir une, deux trois, fois, jusqu’à ce que l’issue pour eux soit fatale. Nous ne pouvions pas accepter cela. Ne vaut-il pas mieux prévenir que guérir ? Pour prendre en charge ces enfants, la seule manière était de dénoncer ce blocus. Il devenait impératif que la communauté internationale prenne la dimension de ce qui se passait. C’est de cette manière que la politique s’est imposée à moi, comme un moyen de faire changer cela. » Dans les années 75, MSF est également en première ligne pour prendre en charge les boats people. Plus de 150 000 vietnamiens seront ainsi accueillis en France, un fait marquant qui contraste, selon lui, avec la situation actuelle et l’accueil fébrile réservé aux réfugiés syriens.

Marié à la journaliste Christine Ockrent, Bernard Kouchner devient un proche de François Mitterrand. Spécialiste du droit d’ingérence, Bernard Kouchner obtient ensuite plusieurs postes de ministres, à la Santé et à l’Action humanitaire, entre 1992 et 2002. De 1999 à 2001, il est nommé Haut représentant de l’ONU au Kosovo. Alors qu’il est membre du Parti socialiste, il accepte en 2007 le poste de ministre des Affaires étrangères proposé par Nicolas Sarkozy, ce qui lui vaut d’être exclu du PS. En 2011, il devient consultant en questions de santé pour de grandes entreprises et plusieurs gouvernements, notamment africains. Homme de conviction, Bernard Kouchner porte encore toujours en lui ce militantisme et cette énergie qui l’ont forgé.