Une page se tourne : la tour 3M va être démolie. Le syndicat des architectes du Val d’Oise s’insurge contre cette décision de détruire un bâtiment symbole de la ville de Cergy pour faire place à un ensemble immobilier (logement, agrandissement d’école, crèche). Pas de parti pris ici, juste l’occasion de relayer le point de vue de ces professionnels qui ont participé à la naissance architecturale de la ville nouvelle et voient aujourd’hui à regret s’en aller une construction emblématique, colonne vertébrale de l’essor urbain, de la croissance et de l’évolution de Cergy-Pontoise.

Le siège social français et européen de la firme américaine 3M a mis deux ans pour sortir de terre à Cergy-Pontoise, entre 1976 et 1978. C’est le second édifice important de la ville nouvelle avec la pyramide inversée de la préfecture du Val d’Oise. Pour Thierry Parinaud, architecte, « le patrimoine de la ville nouvelle est abandonné face à l’avidité de promoteurs alors que Cergy-Pontoise est une ville pionnière de l’architecture métallique à l’instar de la ville du Havre pour le béton. Ardemment souhaitée par les concepteurs de la ville nouvelle et de son premier Président Bernard Hirsch, ce bâtiment moderne et incongru à l’époque, est rapidement devenu un signal urbain reconnu. »

L’architecte Paul Depondt, décédé il y a juste dix ans, a écrit plusieurs chapitres de l’histoire de la future agglo, dont la tour 3M. Il conçoit ainsi à Cergy le « jardin tropical », premier bâtiment de bureau en France au corps de métal et au cœur végétal dont il fait son agence française afin de suivre le chantier de la tour 3M qui représente une surface totale de 41 000 m2 à l’architecture très novatrice en France et en Europe.

Cette tour métallique possède un caractère affirmé, une technologie innovante en raison de sa rationalité constructive, la plasticité de ses parois et, une mise en œuvre et un usage optimisés. PPaLa Tour 3M a ainsi été qualifiée de « tas de rouille » en raison de son parement en acier « corten » qui s’auto-patine naturellement pour prendre une couleur « marron foncé ». La façade ne demande par conséquent aucun entretien particulier.

Sa reconnaisse architecturale et urbaine s’est finalement concrétisée dans les années 90 et la tour 3M réapparaît alors comme un lieu de mémoire de Cergy. Dans les années 2000, la ville s’appuie sur l’architecture tertiaire, porteuse d’espoir, qu’elle envisage de magnifier, en priorité dans le cadre de son « plan lumière ». c’est ainsi qu’en 2002, la tour bénéficie d’un éclairage spectaculaire. L’intervention d’Alain Guilhot, concepteur lumière, chargé de ce travail de valorisation, signe l’entrée du monument dans un contexte patrimonial dépassant le cadre strictement urbain.

La ville de Cergy prend alors conscience de l’atout que 3M représente pour le lieu, mais elle l’a en outre transformée en objet patrimonial : « le patrimoine contemporain souffre de l’absence d’un système de reconnaissance qui mettrait ses plus beaux fleurons à l’abri des démolitions et des transformations intempestives. Il est fort dommage qu’aujourd’hui, les représentants de la ville aient mis au placard cette belle déclaration au profit des démolisseurs et des transformations intempestives… », regrette Thierry Parinaud.

Après sa destruction, le siège de 3M restera bien dans la ville préfecture et déménagera de quelques mètres pour s’installer sur le terrain de foot de la rue des Chauffours dans le cadre d’un programme mené par Nexity.